La tomographie est une technologie issue de l’imagerie médicale, il est donc normal que les données de sortie soient des images. Toutefois, autant il est facile de se représenter ce qu’est une image numérique en deux dimensions, autant en trois dimensions cela peut soulever plus de questionnements. Les formats de fichiers en tomographie seront détaillés dans cet article.
Rappelons tout d’abord les principales étapes de la tomographie :
- Acquisition de radiographies sur 360°
- Reconstruction tomographie
- Analyse des données 3D
- Export de données de tomographie
Chacune de ces étapes génèrent des données sous différents formats numériques que nous allons décrire afin de comprendre les applications et les difficultés à surmonter pour exploiter au mieux la tomographie.
Acquisition de radiographies
Une radiographie analogique s’obtient en plaçant l’objet à analyser entre un tube rayons X et un film composé de sels d’argent. En traversant l’objet, le faisceau de rayons X va être atténué en fonction des épaisseurs et de la nature de la matière. Les photons X atteignent le film et provoquent une réaction chimique qui noircit les surfaces les plus exposées. Ce type de film argentique, qui fait office de capteur, tend à disparaitre pour se passer de consommable et des produits chimiques nécessaires au développement.
Une radiographie numérique s’obtient soit :
- En scannant une plaque phosphore réutilisable qui a été marquée par la projection d’un faisceau de rayons X (CR, Computed Radiography),
- Dans le cas de la tomographie, en utilisant un détecteur de type capteur plan (ou linéaire) directement sensibles aux rayons X (DR, Digital Radiography).
Une radiographie numérique est une image monochrome en 2 dimensions définit par :
- Sa définition : le nombre de pixel en X et Y. En 2024, la plupart des capteurs ont des matrices comprises entre 1000 et 4000 pixels de côté
- La taille des pixels :
- Du détecteur : sous les 10 µm pour les caméras CCD, de 50 à 400 µm pour les détecteurs plans à scintillateur)
- De l’image : le grossissement permet de donner une échelle au cliché radiologique (par exemple, un pixel de l’image correspond à 20 µm de longueur de la pièce).
- Le contraste (ou niveau de gris) de chaque pixel : il dépend de la sensibilité du capteur et de la conversion du signal analogique en numérique. La grande majorité des systèmes de tomographie permettent d’obtenir des images en 16 bits, soit 65536 niveaux de gris (de 0 pour le noir à 65635 pour le blanc).
Les formats de fichiers en radiographie
En ce qui concerne les formats de fichiers ou leurs extensions, le grand vainqueur est le TIFF 16 bits non compressé.
Ce format présente l’avantage de ne pas perdre d’information et d’être compatible avec de nombreux logiciels. Cependant, les logiciels de visualisation d’images installé par défaut sur Windows par défaut gèrent mal, à aujourd’hui, les images en niveau de gris 16 bits (le contraste tire vers le noir), il faut donc installer un logiciel adapté.
Le principal inconvénient de ce format est le poids du fichier : environ 10 Mo pour une image de 2500×2000 pixels. Quand on sait qu’une tomographie peut utiliser plusieurs milliers de radiographies, ça commence à compter ! Toutefois, si le contrôle d’une pièce ne nécessite pas de 3D et qu’une dizaine de radiographies suffit, cela reste acceptable.
Si l’optimisation du stockage des données est la priorité, plusieurs formats sont possibles pour limiter le volume des fichiers :
- JPEG: format développé pour la compression d’images. Attention, en fonction du taux de compression, l’image se dégrade. Et elle peut se dégrader à chaque nouvelle sauvegarde si le taux de compression n’est pas adapté.
- JPEG 2000: compression des données avec ou sans perte. Ce format peine à se développer.
- PNG: format permettant de compresser l’image de 5 à 25 % sans perte de données.
- TIFF 8 bits: images ne présentant que 256 niveaux de gris, divise par 2 le poids d’un fichier 16 bits à résolution égale.
D’autres formats sont également disponibles :
- BMP
- DICOM (format permettant la gestion informatique des données issue de l’imagerie médicale)
- DICONDE
- RAW
- Autres formats propriétaires
Pour information, la perception des niveaux de gris par l’œil humain (aidé de son cerveau, et parfois trompé par ce dernier) est très limitée. La littérature donne des chiffres très larges allant de 60 à 250 en fonction de paramètres génétiques, d’entrainement, de l’état de fatigue…
On pourrait donc penser qu’une radiographie en 8 bits composée de 256 nuances serait suffisante. L’intérêt d’images mieux définies en contraste est d’utiliser des logiciels permettant d’adapter les niveaux de gris aux capacités de l’observateur et de révéler ce qui lui serait invisible en temps normal.
Reconstruction tomographique
De nombreux principes exposés précédemment sont transposables aux images 3D issues de la reconstruction tomographique. Celle-ci est obtenue par rétroprojection de chaque ligne de pixels des radiographies et génère une représentation de l’objet scanné par tranche, chaque tranche étant une image 2D épaisse d’un pixel, soit, en 3D, un voxel.
Une tomographie est donc constituée de voxels, c’est-à-dire des pixels en 3D (cubes avec un niveau de gris).
Les formats de ces fichiers 3D sont donc une pile d’images 2D, soit autant de fichiers aux formats précédemment cités. L’avantage d’une pile d’image est que chaque tranche peut être visualisée individuellement sans avoir à charger l’ensemble des données du volume. Lorsque ce dernier pèse plusieurs dizaines de giga octets, cela peut avoir son intérêt !
il est possible de concaténer ces piles d’images en un seul fichier dont le format peut être propriétaire (du fabricant du tomographe ou du logiciel de reconstruction) ou ouvert comme le RAW (format brut). A poids équivalent par rapport aux piles d’images, ces fichiers ont l’avantage d’être plus rapidement transférables sur support numérique ou par Cloud. Leur inconvénient est qu’il faut un logiciel spécifique pour les lire.
Les extensions de ces formats sont :
- .raw
- .vol
- .rek
- .flt
- .vox
- DICOM
Analyse des données 3D
Les formats de fichier incluant des analyses (porosités, orientations de fibre, comparaison CAO, épaisseurs…) sont ceux des logiciels dédiés à la tomographie.
Les logiciels les plus connus (dans l’industrie) sont :
- VG Studio Max (Volume Graphics)
- Avizo (Thermo Fisher Scientific)
- Dragonfly (Comet)
- Dragonfly Pro (Zeiss)
- Digisens (Digisens)
Ces logiciels peuvent avoir leurs propres formats de fichiers qui intègrent l’ensemble des données de tomographie. Ils peuvent aussi utiliser un format de fichier qui contient une partie des informations (résolutions, réglages du contraste, mesures, analyses…) et qui en en lien avec un autre fichier (ou ensemble de fichier dans le cas d’une pile d’image) qui lui contient les données brutes des voxels.
La renommée ou les fonctionnalités d’un logiciel est une chose, ce qui importe, c’est que les données qu’il génère soit compréhensibles, compatibles avec vos procédés habituels et vous apportent de la valeur ajoutée en pointant les sources d’une non-conformité.
Export de données de tomographie
A l’issue d’une tomographie, il est possible d’exporter le modèle 3D sous différents formats :
- Une nouvelle pile d’image : elle peut être identique au fichier de tomographie initial ou comporter des modifications comme des filtres (médian, gaussien, convolution…).
- Un nuage de points 3D : représentant les surfaces de l’objet calculé à partir de l’analyse des variations de niveaux de gris dans le volume.
- Un maillage triangulaire: format STL, PLY, OBJ… il s’agit d’un nuage de points avec des facettes triangulaires comportant un vecteur normal indiquant le coté où se trouve la matière ou l’air. Ces formats sont directement utilisables en impression 3D.
- Un maillage tétraédrique: maillage volumique utilisé pour la simulation numérique (mécanique, fluide, électrique…). Ces maillages sont exportables aux formats Abaqus (.inp), Patran (.pat) et Nastran (bdf)
- Une vidéo: même s’il ne s’agit pas à proprement parler de format 3D, il permet d’illustrer une analyse sans avoir recours à un logiciel spécialisé. Le format est .avi ou .mp4
Il est possible de livrer les données d’analyses sous forme de vidéos ou de rapport. Nous privilégions toutefois la livraison la fourniture du volume 3D qui inclut le rapport sous forme de notes, prise de cotes ou analyses. Un système de signet permet de simplifier l’accès à ces données d’interprétation sans que l’utilisateur soit un expert de l’utilisation du logiciel. Ainsi, les données fournies sont exhaustives et il est toujours possible d’inspecter le volume ou prendre de nouvelles mesures dans des zones qui n’apparaissent pas dans le rapport initial.
Le cas particulier de la rétroconception (reverse engineering)
Les industriels demandent souvent un dernier format : le fichier CAO. C’est un point sur lequel il est nécessaire de s’attarder.
Les images de tomographie étant très résolues et les logiciels de rendu faisant des merveilles, il est compréhensible qu’un œil non averti confonde ce fichier avec un modèle CAO.
De plus, une fois la détermination de surface correctement réalisée, l’export au format STL est une formalité. Sachant cela, nombreux sont ceux qui demandent « vous pouvez exporter le fichier en CAO ? »
Nous avons expliqué qu’un fichier de tomographie était constitué de voxels et le fichier STL de facettes. L’un comme l’autre représente la pièce scannée avec ses défauts de forme. Sans parler du fait que la tomographie, comme tout instrument de mesure, comporte des incertitudes, ces fichiers sont tout sauf géométriquement parfait, contrairement à une CAO.
Une CAO représente la géométrie nominale d’une pièce à l’aide de formes mathématiques. Il s’agit comme des plans, des cylindres, des sphères, des cônes… Même les surfaces complexes (dites gauches) sont définies mathématiquement.
Rétroconception au réel
Cela étant dit, plusieurs logiciels peuvent générer des surfaces CAO « plaquées » sur voxel ou le fichiers STL (très nombreux patches de surfaces NURBS). La reconstruction du volume en surfacique est donc ici relativement rapide. Cette étape permet d’ouvrir le fichier sur votre logiciel de conception favori. Il est quand même à noter que les surfaces sont plus ou moins approximées. En effet, si elles passaient par tous les points du scan, le fichier révèlerait un effet de « peau d’orange ». Il serait aussi incroyablement lourd et difficile à exploiter. Il faut également savoir que ce type de fichier ne comportera que des surfaces gauches. Quand bien même ces surfaces épousent sur une zone « supposée » plane (une pièce réelle n’est jamais parfaitement plane).
Un autre inconvénient de cette méthode est qui est très difficile d’exploiter ce genre de CAO dans un contexte d’assemblage. Vu que le fichier ne comporte que des surfaces gauches, il n’est pas possible de définir des contraintes d’assemblage. Comme le logiciel ne reconnait pas les formes canoniques habituelles, il ne peut pas garantir la coïncidence planaire (appui plan/plan), la concentricité de 2 surfaces cylindriques, etc…
Malgré ces limites, cette solution est intéressante pour utiliser ce type de rétroconception à des fins de simulation numérique ou de rendu réaliste.
Rétroconception théorique
Si l’objectif est d’obtenir un fichier CAO classique, il faut passer par une rétroconception théorique. Il s’agit d’une étape où l’on reconçoit la pièce en faisant une multitude choix :
- Ce plan doit-il être réellement plan ou est-ce une surface légèrement galbée ?
- Le diamètre de ce cylindre doit-il être de 20 ±0,05 mm ou 20 H7 ?
- Cette surface doit-elle présenter une dépouille pour permettre le démoulage dans le cas d’une injection plastique ?
- …
Pour résumer, obtenir une CAO pleinement exploitable ne peut reposer sur une simple conversion de format de fichier. Cela requiert des connaissances en procédés de fabrication, en mécanique, cotation fonctionnelle… Ou encore de déduire l’intention de conception de la personne qui a dessiné la pièce originale.
Le format du fichier CAO livré est généralement le STEP. Il s’agit d’un format de transfert sur lequel des modifications ultérieures seront difficiles à apporter. Pour obtenir un fichier natif (CATIA, Solidworks, Inventor, PTC Creo…) il faut réaliser la rétroconception sur le logiciel concerné. Or, ce logiciel est rarement adapté pour cela (à moins d’être équipé de modules complémentaires couteux). Il convient donc de bien définir en amont les besoins pour reconstruire un volume exploitable.
Conclusion
La tomographie offre de nombreuses possibilités à condition de maitriser les formats de fichiers et de savoir jongler avec. Cette seule technologie d’acquisition de scan 3D fait appel à des disciplines qui sont presque chacune d’entre elles un métier à part entière.
TOMOMETRIX se tient à votre disposition pour vous conseiller sur la faisabilité de vos projets et vous aider à faire les meilleurs choix pour améliorer la qualité de vos produits.